 Le 23-09-2000
VIAUT André
ANDRÉ VIAUT, L'ANGE GARDIEN DES AVIATEURS
Dans tous les exploits, en retrait des héros sur lesquels
sont braqués les projecteurs de la renommée, il existe des soutiers
dont la collaboration modeste, et vite oubliée, n'en a pas moins été
déterminante. André Viaut a été de ceux-là dont les compétences en
météorologie ont permis le succès de nombreux raids et records
aériens qui, au lendemain de la Première Guerre mondiale, placèrent
l'aviation française parmi les plus performantes du
monde.
C'est à Civry-sur-Serein, près de Massangis, qu'il
naquit le 16 octobre 1899, mais c'est à Tonnerre, où son père dirige
l'école de garçons alors située rue Armand-Colin, qu'il passe son
enfance et réussit son baccalauréat. Sa sœur cadette, Suzanne,
restera toute sa vie fidèle aux bords de l'Armançon où elle
accomplira une longue carrière à la Caisse d'Epargne locale. A 21
ans, André intègre les services de la météorologie et consacre sa
première étude, en 1924, à "l'apparition de certaines perturbations
météorologiques dans les appareils de TSF", mais c'est au service
d'une autre des inventions capitales du XXe siècle qu'il va, pendant
14 ans, consacrer ses efforts : I'accompagnement météorologique des
premières grandes traversées aériennes. Surtout dans les difficiles
conditions techniques de l'époque, les pilotes ont besoin
d'informations précises avant et pendant leurs vols : c'est parce
qu'un fort vent debout, inattendu, réduit leur vitesse au-dessus de
l'Irlande que Nungesser et Coli ont prématurément épuisé leur
réserve de carburant entraînant leur naufrage. Les exemples de
catastrophes ou d'échecs aériens liés à des avatars atmosphériques
sont légion à cette époque.
Un grand nombre d'exploits ou
de records
La qualité de la protection météorologique
exécutée personnellement par André Viaut, à partir de 1923, est pour
beaucoup dans un grand nombre d'exploits ou de records alors salués
par un enthousiasme qu'on a peine à imaginer aujourd'hui. Toutefois,
la mémoire collective n'a pas oublié les raids de la maison Farman
dont le Paris-Tokyo accompli en 1924 par Pelletier d'Oisy qui relie
le Bourget au Japon en 47 jours, l'Inde en 6 jours, l'Indochine en
19 jours malgré un grave incident technique, ni les records de
distance sans escale des frères Arrachart ou de Challe. Mais
l'exploit gravé dans toutes les mémoires demeure la traversée de
l'Atlantique par Costes et Bellonte.
Jacques Lacarrière en a
gardé un souvenir d'enfant émerveillé : « Je me souviens de cette
soirée de cette nuit de septembre 1930 où tous les Français, chez
eux ou sur les places publiques, restèrent rivés aux hauts parleurs
ou à la TSF pour attendre (et entendre) la voix de Costes et de
Bellonte parvenus sains et saufs à New York après un vol de 37
heures sans escale.
Cet exploit n'était pas seulement la
première traversée de l'Atlantique, de l'Europe vers les États-Unis
(Lindbergh l'avait traversé trois ans plus tôt mais dans le sens
contraire, plus aisé en raison des courants aériens) mais aussi la
première liaison radio téléphonique publique entre l'Amérique et
l'Europe ».
Or, les deux aviateurs surent reconnaître que
leur victoire était due en grande partie à l'assistance du
météorologue Viaut qui obtint, sur leur demande et à 31 ans, la
Légion d'Honneur.
La même année, son guidage permet à Maryse
Bastié de battre le record du monde de durée pour avion léger (37
heures et 55 minutes) ; on le retrouve assurant la sécurité de
Bossoutrot dans ses records du monde en circuit fermé, de Lemoine
qui réalise en 1933 le record d'altitude dans le ciel de
Villacoublay (13 660 m) et de tant d'autres...
Simultanément,
il assure la mise en route des stations régionales météos du
Bourget, Marseille, Lyon, Toulouse, Nancy, etc. Ce n'est pas
seulement un travailleur infatigable passant des nuits et des nuits
à la météo lors de la préparation des raids, c'est aussi un
organisateur qui sait constituer des équipes et s'en faire aimer.
Durant la débâcle de 1940, il sauve le personnel et les appareils de
toutes ses stations. Expulsé par les Allemands en décembre 1942, dès
1944 il est désigné par les Alliés pour reconstituer le réseau
météorologique en France qui, en un temps record, parvient à fournir
aux troupes américaines une aide précieuse.
L'émission «
Paysans de France »
Il s'emploie ensuite à promouvoir des
textes portant unif?cation de la météorologie française alors
composée de plusieurs services et il devient le premier directeur de
la Météorologie nationale. Il va dès lors se consacrer à
l'adaptation de cette science aux besoins croissants de l'aviation
et d'usagers de plus en plus diversifiés. C'est à son instigation
qu'apparaît, le 17 décembre 1947, la première émission
météorologique télévisée (d'abord hebdomadaire, le bulletin télévisé
devient quotidien en décembre 1952).
Cet enfant du terroir
n'oublie pas le monde agricole pour qui il réalise, à partir du 23
avril 1947, I'émission « Paysans de France » comportant une
prévision sur une semaine. Il crée la Cité de la Météorologie, quai
Branly à Paris, il lui fournit son premier calculateur électronique,
crée en France le premier centre de réception des satellites
météorologiques. Expert international reconnu, il préside
l'Organisation mondiale de la météorologie de 1955 à
1963.
Auteur de nombreux livres et de centaines d'articles,
André Viaut meurt dans un accident de la route le 10 août 1973. Un
bref article nécrologique paru le 14 août dans l'Yonne Républicaine
est, à notre connaissance, le seul hommage consacré
jusqu'aujourd'hui à ce grand serviteur de la technique par son
département natal. Pourtant, son souvenir est très vivant dans le
milieu de la météorologie : à peine avions-nous appelé le service
documentaire de Météo-France que la standardiste, elle-même, nous
disait son admiration pour ce grand patron d'un service qui fait
désormais partie de la vie quotidienne de nous tous.
Jean-Pierre FONTAINE
13.07.2001
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